5 startup biotech françaises d’avenir : histoire, dirigeants, performance scientifique et potentiel de marché

**5 startup biotech françaises d'avenir : histoire, dirigeants, performance scientifique et potentiel de marché**

Dans l’imaginaire collectif, la biotech, c’est des blouses blanches, des pipettes et des acronymes incompréhensibles. Dans la réalité économique, c’est surtout un champ de bataille où se croisent capital-risque, brevets, essais cliniques et… nerfs d’acier. En France, un noyau dur de startups commence à sortir franchement du lot, avec une promesse simple, mais vertigineuse : transformer en valeur économique ce que la science a de plus audacieux.

Ce n’est pas un hasard si ces jeunes pousses attirent des dizaines (parfois des centaines) de millions d’euros. Elles jouent sur un terrain où chaque découverte peut faire naître un marché mondial, et où l’avantage compétitif se mesure à la fois en années de R&D et en pages de brevets.

Dans cet article, je vous propose de plonger dans 5 startup biotech françaises qui, à mon sens, incarnent cette nouvelle génération : ambitieuse, mondialisée, et de plus en plus à l’aise avec les règles du jeu business. On va parler histoire, dirigeants, science, mais aussi potentiel de marché. Car oui, derrière chaque molécule se cache un modèle économique.

Owkin : l’IA comme laboratoire virtuel pour la pharma

Owkin est probablement l’une des biotech françaises les plus surveillées à l’international. Fondée en 2016 par le chercheur Gilles Wainrib et le cancérologue Thomas Clozel, la société est née d’une intuition forte : l’intelligence artificielle peut devenir un accélérateur massif pour la découverte et le développement de médicaments.

Le pari a été validé bruyamment en 2021 lorsque Sanofi est entré au capital à hauteur de 180 millions de dollars, valorisant Owkin au rang de licorne. On est loin de la petite startup de labo : aujourd’hui, Owkin collabore avec de grands hôpitaux, des centres de recherche et plusieurs big pharmas.

Le cœur de son activité repose sur :

  • des modèles d’IA capables d’analyser des données cliniques, génomiques et d’imagerie médicale ;
  • une approche dite de “federated learning” : les données restent dans les hôpitaux, seules les analyses circulent ;
  • des biomarqueurs et signatures prédictives qui peuvent guider les essais cliniques ou la stratification des patients.

Sur le plan scientifique, Owkin se positionne comme un “turbo” pour la pharma : mieux sélectionner les patients, optimiser les essais, augmenter les chances de succès. Quand on sait qu’un échec en phase III peut coûter plus d’un milliard de dollars, l’intérêt économique devient très concret.

Le potentiel de marché ? Colossal. L’IA pour la découverte de médicaments est évaluée à plusieurs dizaines de milliards de dollars à horizon 2030, avec une adoption croissante par les groupes pharmaceutiques. Owkin a déjà un pied bien planté dans ce futur.

Pour un entrepreneur, Owkin illustre un point clé : on peut créer une startup française de deeptech qui ne vend pas un “produit” au sens classique, mais une capacité d’accélération scientifique, intégrée dans les workflows de géants mondiaux.

DNA Script : écrire l’ADN comme on imprime un document

Fondée en 2014 par Thomas Ybert, Sylvain Gariel et Xavier Godron, DNA Script poursuit une vision quasi science-fictionnelle : permettre la synthèse d’ADN directement au laboratoire, sur demande, grâce à une sorte “d’imprimante à ADN”.

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Historiquement, la synthèse d’ADN est un processus lent, souvent externalisé à des prestataires spécialisés, avec des délais qui se comptent en jours ou en semaines. DNA Script a développé une technologie enzymatique, baptisée SYNTAX, qui permet à un laboratoire de produire lui-même des fragments d’ADN en quelques heures.

La rupture scientifique est double :

  • utilisation d’enzymes (inspirées du vivant) plutôt que de chimie traditionnelle, plus propre et potentiellement plus scalable ;
  • matériel et consommables packagés comme un équipement de labo “clé en main”, facile à intégrer dans les flux de travail existants.

Côté dirigeants, Thomas Ybert, CEO, a toujours assumé une vision internationale très tôt, avec un siège en France mais une forte présence aux États-Unis, là où se concentre une large part de la demande (biotech, pharma, instituts académiques).

Sur le plan business, DNA Script ne vend pas “que” de la science. Leur modèle ressemble à celui de l’impression professionnelle :

  • vente d’équipements (plateforme SYNTAX) ;
  • revenus récurrents sur les consommables et les kits ;
  • éventuelles évolutions logicielles et services associés.

Le marché adressable, c’est l’ensemble des acteurs qui ont besoin de synthèse d’ADN : conception de vaccins, CRISPR, diagnostic, biologie synthétique, etc. En clair, le “pétrolier” invisible de la révolution biotech. D’un point de vue investisseur, on est typiquement sur un modèle où chaque nouveau client génère un flux de revenus répétitif, ce qui plaît énormément aux fonds.

TreeFrog Therapeutics : industrialiser la thérapie cellulaire

Si la thérapie cellulaire vous évoque surtout des publications complexes, TreeFrog Therapeutics essaie justement de changer la donne en l’amenant sur le terrain de la production industrielle. Créée à Bordeaux en 2018 par deux scientifiques, Maxime Feyeux et Kevin Alessandri, la startup s’attaque à l’un des plus grands défis de la médecine régénérative : produire des cellules souches de manière fiable, à grande échelle, et à coût raisonnable.

Leur technologie clé s’appelle C-Stem. L’idée ? Encapsuler des cellules souches dans de minuscules billes 3D, afin de les protéger et de les cultiver dans des bioréacteurs à grande échelle. Le résultat annoncé : des rendements de production beaucoup plus élevés, avec une meilleure homogénéité des cellules.

C’est une réponse directe à un problème business : aujourd’hui, même quand une thérapie cellulaire fonctionne cliniquement, il est très compliqué de la produire pour des milliers de patients sans faire exploser les coûts. C’est un peu comme inventer la voiture avant la chaîne de production de Ford.

TreeFrog se positionne donc à l’intersection :

  • des plateformes technologiques (licencier sa technologie de production à d’autres biotech/pharma) ;
  • et du développement de ses propres thérapies cellulaires, notamment en neurologie et ophtalmologie.

Les levées de fonds successives, de plusieurs dizaines de millions d’euros, témoignent d’une forte confiance des investisseurs dans la capacité de l’équipe dirigeante à concilier science de pointe et stratégie industrielle.

À terme, si TreeFrog tient ses promesses, la société pourrait devenir un “Airbus” discret de la thérapie cellulaire : pas forcément le nom le plus visible du grand public, mais une brique incontournable dans la chaîne de valeur de nombreux traitements.

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SparingVision : sauver la vue en réinventant la thérapie génique

Spin-off de l’Institut de la Vision à Paris, SparingVision est née en 2016 autour d’une ambition claire : développer des thérapies géniques pour prévenir ou ralentir certaines formes de dégénérescence rétinienne, comme la rétinite pigmentaire.

Aux commandes, on retrouve une équipe mêlant profils business et scientifiques, avec notamment une direction expérimentée dans la pharma et les biotechs. L’entreprise a rapidement attiré des fonds spécialisés et noué des partenariats internationaux, notamment aux États-Unis.

Leur approche scientifique se distingue sur plusieurs points :

  • cibler des mécanismes de protection et de survie des photorécepteurs (les cellules de la vision) plutôt que de corriger un seul gène défectueux ;
  • développer des thérapies “agnostiques” par rapport aux mutations, donc potentiellement applicables à un plus grand nombre de patients ;
  • utiliser des vecteurs viraux et des technologies de délivrance déjà relativement éprouvées en ophtalmologie.

Pourquoi c’est intéressant d’un point de vue marché ? Parce que les maladies rares de la rétine ont historiquement été un “angle mort” de l’industrie pharmaceutique : peu de traitements, mais un besoin médical énorme, et une population de patients globalement bien identifiée dans les pays développés.

Les thérapies géniques ophtalmiques présentent en outre un avantage stratégique : l’œil est un organe relativement isolé, ce qui peut limiter certains risques systémiques et faciliter les approbations réglementaires par rapport à d’autres indications.

SparingVision évolue donc sur un segment où :

  • les tickets d’entrée scientifiques sont élevés ;
  • les barrières réglementaires sont réelles, mais franchissables ;
  • et le potentiel de création de valeur (licences, accords avec des pharmas, etc.) est très important si les résultats cliniques sont au rendez-vous.

Enterome : exploiter le microbiome comme une mine d’or thérapeutique

Enterome fait partie des pionniers français du microbiome, ce gigantesque écosystème de bactéries qui peuplent notre intestin et dont on découvre chaque année de nouveaux rôles dans la santé humaine. Fondée en 2012 et basée à Paris, la société a été cofondée notamment par le serial entrepreneur biotech Pierre Bélichard, qui a longtemps occupé le poste de CEO.

L’idée fondatrice : utiliser la cartographie fine du microbiome intestinal pour identifier de nouvelles cibles thérapeutiques, principalement en oncologie et en immunologie. Enterome ne vend pas des probiotiques “bien-être” ; elle développe des médicaments issus de signaux moléculaires observés dans le microbiome.

Scientifiquement, la société s’appuie sur :

  • une plateforme de “microbiome-derived drug discovery” : identification de protéines et d’antigènes dérivés des bactéries intestinales ;
  • le développement de candidats médicaments (notamment des immunothérapies) capables de moduler la réponse immunitaire ;
  • des programmes cliniques en oncologie, en combinaison avec d’autres traitements existants.

Côté marché, Enterome opère dans un contexte où :

  • l’oncologie reste l’un des segments les plus porteurs pour les pharmas ;
  • les grandes sociétés cherchent activement des partenaires ayant des approches différenciantes ;
  • le microbiome est passé du statut de “buzzword” à celui d’axe stratégique pour de nombreux pipelines R&D.
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L’entreprise a signé plusieurs partenariats avec de grands groupes (comme Bristol Myers Squibb par le passé), avec à la clé des paiements d’étapes potentiels et des royalties sur les ventes si les candidats aboutissent sur le marché. C’est typiquement le genre de modèle hybride, entre biotech de R&D et “fabrique de deals” avec la pharma, qui peut générer des retours importants en cas de succès.

Ce que ces biotech disent du futur du business en santé

Quand on met côte à côte Owkin, DNA Script, TreeFrog, SparingVision et Enterome, on voit immédiatement qu’on n’est plus dans le schéma caricatural de la petite biotech isolée dans son labo, qui espère un rachat miraculeux. On a affaire à des entreprises qui, très tôt, pensent :

  • plateformes technologiques (Owkin, DNA Script, TreeFrog, Enterome) ;
  • alliances industrielles avec les pharmas ;
  • modèles de revenus récurrents (équipements, licences, milestones, etc.) ;
  • et internationalisation rapide.

On voit aussi se dessiner un trait commun chez leurs dirigeants : la capacité à parler à la fois le langage des scientifiques et celui des investisseurs. Savoir expliquer une technologie complexe à un fonds de capital-risque en 10 minutes, sans la dénaturer, est devenu une compétence aussi stratégique que de réussir une expérience au laboratoire.

Pour les entrepreneurs qui s’intéressent à la santé ou à la deeptech, ces startups françaises envoient plusieurs messages forts :

  • on peut bâtir des licornes scientifiques depuis la France, à condition de penser global dès le départ ;
  • la valeur est souvent dans la plateforme (ce qui permet de générer plusieurs produits), pas seulement dans un médicament unique ;
  • les marchés de niche (maladies rares, thérapies ciblées) peuvent être extrêmement rentables si l’on maîtrise la réglementation et les partenariats ;
  • la frontière entre “biotech” et “tech” s’efface : IA, logiciels, data, automatisation deviennent des briques centrales de ces modèles.

Au fond, la biotech est en train de se rapprocher du logiciel sur un point clé : l’échelle. Là où il fallait autrefois 15 ans pour espérer voir un retour, ces nouvelles approches permettent parfois de signer des deals structurants dès les premières phases cliniques ou même, pour certaines plateformes, dès les preuves de concept précliniques.

Reste une question qui plane au-dessus de toutes ces histoires : qui parviendra à transformer sa promesse scientifique en succès industriel durable ? Car la réalité de la biotech, c’est aussi celle des échecs d’essais cliniques, des valorisations qui corrigent, et des cycles de financement parfois brutaux.

Mais en observant ces cinq acteurs, une chose est certaine : la France a cessé d’être un simple “suiveur” dans la révolution biotech. Elle est en train d’installer des pièces maîtresses sur l’échiquier mondial. Et pour les entrepreneurs, investisseurs ou dirigeants qui suivent de près l’évolution des marchés, ces startups ne sont pas seulement des curiosités scientifiques : ce sont des indicateurs avancés de la prochaine vague d’innovations business dans la santé.

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